En 2023, environ 468 000 Canadiens âgés de 15 à 69 ans ont déclaré avoir effectué un travail rémunéré par l’intermédiaire d’une plateforme numérique (Statistique Canada, Le Quotidien, 4 mars 2024). Ce chiffre, encore modeste en apparence, traduit pourtant un changement de paradigme dans notre rapport au travail. Ce n’est plus seulement une question d’emplois à temps plein ou à temps partiel : le marché évolue vers un modèle fondé sur la mission, la flexibilité et la spécialisation à la demande.
Cette mutation interroge profondément la fonction RH. Comment attirer, encadrer et fidéliser des talents qui n’entrent plus dans les catégories traditionnelles ? Comment concilier flexibilité et sécurité, liberté et responsabilité ?
1. Le phénomène : du poste au projet
Statistique Canada estime que près de 927 000 Canadiens, soit 3,3 % de la population active, ont travaillé sur une plateforme numérique en 2023, que le paiement soit effectué par la plateforme elle-même ou par un client obtenu via celle-ci (Defining and Measuring the Gig Economy, 2024).
Ces plateformes — qu’il s’agisse de livraison, de logistique, de services professionnels, de design ou de soutien administratif — redessinent la frontière entre emploi et autonomie. Loin du cliché du chauffeur ou du livreur, les travailleurs de plateforme canadiens se diversifient dans la santé, l’éducation, le commerce et la technologie.
Et la tendance s’accélère : selon The Logic, le nombre de Canadiens actifs dans l’économie numérique a bondi de 44 % entre 2023 et 2024, atteignant environ 700 000 personnes. Autrement dit, nous assistons à la constitution rapide d’un nouvel écosystème de travail, où la technologie devient un intermédiaire central de la relation entre le talent et l’entreprise.
2. L’impact sur les ressources humaines : un nouveau paradigme
Pour les fonctions RH, cette mutation n’est pas cosmétique : elle bouleverse les fondations mêmes de la gestion des talents.
Recruter autrement
Les plateformes numériques deviennent des viviers dynamiques de compétences.
Le recrutement passe du modèle “poste permanent” au modèle “mission ponctuelle” : les entreprises peuvent combler un besoin immédiat sans multiplier les contrats à long terme.
Les indicateurs RH doivent aussi évoluer. Les notions d’ancienneté, de stabilité et de disponibilité laissent place à des critères de performance, de fiabilité et d’adéquation compétence-besoin.
Réinventer la relation de travail
La loyauté ne se joue plus sur la durée, mais sur la qualité de la collaboration.
Comme le résume Statistique Canada, « environ 8 % des travailleurs de plateforme au Canada considèrent ce travail comme leur activité principale, tandis que pour la majorité, il s’agit d’un revenu d’appoint ».
Cette hybridation — entre liberté choisie et complément de revenu — oblige les RH à penser en termes de partenariat, plutôt que de subordination.
3. Les avantages : agilité et inclusion
Pour les entreprises, ce modèle ouvre des perspectives considérables.
En période de pénurie de main-d’œuvre persistante — 36 % des entreprises canadiennes déclarent des postes difficiles à combler (Statistique Canada, Enquête sur la population active, 2024) — les plateformes permettent d’accéder rapidement à des talents disponibles, compétents et géolocalisés.
Elles réduisent les coûts fixes et favorisent une gestion agile des ressources selon les cycles de production ou les pics saisonniers.
Pour les travailleurs, la promesse est tout aussi attractive : autonomie, diversité des expériences, liberté de choix.
Les plateformes abaissent les barrières d’entrée, notamment pour les nouveaux arrivants, les retraités actifs, les étudiants ou les personnes en reconversion.
Elles valorisent les compétences concrètes et le savoir-faire, plutôt que les titres ou les réseaux.
4. Les défis : la flexibilité a un prix
Mais cette liberté comporte un revers.
Selon le rapport Behind the Gig (Securian Canada, 2024), 57 % des travailleurs de plateformes au pays n’ont aucune protection en cas d’accident, et 41 % ne disposent d’aucune assurance maladie complémentaire.
Ces chiffres traduisent une fragilité systémique du modèle : les travailleurs assument eux-mêmes leurs risques professionnels.
Chez Djob, cette réalité est pleinement reconnue. La plateforme recommande à tous ses djobeurs de s’inscrire à la CNESST à titre de travailleurs autonomes, afin d’être couverts contre les accidents et les maladies professionnelles.
Cette approche reflète la philosophie de Djob : offrir de la flexibilité, certes, mais dans un cadre responsable, transparent et sécuritaire.
Le gouvernement du Canada s’est d’ailleurs engagé à revoir la législation pour créer des protections accrues pour les travailleurs de plateformes, notamment en matière de transparence, de rémunération équitable et de sécurité (What We Heard: Gig Workers, 2023).
Ces réformes à venir devront clarifier le statut juridique de ces travailleurs et définir le rôle des plateformes comme employeurs, intermédiaires ou facilitateurs.
5. Vers une gestion des talents “à la demande”
Au lieu d’opposer travail salarié et travail de plateforme, les RH gagneront à concevoir un modèle hybride, où coexistent une base stable d’employés et un réseau élargi de collaborateurs autonomes.
Certaines grandes organisations explorent déjà des “marketplaces internes de talents”, inspirées des plateformes numériques : des systèmes qui permettent d’affecter les ressources internes selon les projets, les disponibilités et les compétences, plutôt qu’en silos hiérarchiques.
Dans ce contexte, le rôle des RH évolue :
- D’administrateurs du personnel, ils deviennent architectes d’écosystèmes humains ;
- D’exécutants du recrutement, ils deviennent stratèges de la flexibilité ;
- Et de gardiens des règles, ils deviennent garants de l’équité.
6. Djob : l’exemple d’une flexibilité encadrée
Née au Québec, Djob illustre ce tournant.
La plateforme connecte en quelques minutes les djobistes (entreprises en manque de main-d’œuvre) et les djobeurs (travailleurs autonomes qualifiés) pour des besoins ponctuels.
Chaque djob est évalué à la fin du quart de travail, créant ainsi un système de réputation bilatéral qui valorise la qualité, la fiabilité et la transparence.
Djob réduit aussi la lourdeur administrative : gestion automatisée des paiements, contrats simplifiés, conformité fiscale, et accompagnement sur les bonnes pratiques légales (dont la CNESST).
Ce modèle n’est pas une “désintermédiation” du marché du travail, mais une réintermédiation intelligente, fondée sur la technologie et la confiance.
7. Conclusion : les RH au cœur de la révolution
L’économie de plateforme transforme non seulement la manière dont les Canadiens travaillent, mais aussi la façon dont les entreprises conçoivent le travail (Statistique Canada, 2024).
Cette transformation est structurelle. Elle oblige les organisations à repenser la relation au talent : du contrat d’emploi à la collaboration, de la gestion du personnel à la curation de compétences.
Pour les RH, le défi n’est pas de choisir entre stabilité et flexibilité, mais de concevoir des architectures hybrides qui conjuguent les deux.
Pour les travailleurs, le défi est d’embrasser l’autonomie tout en s’outillant pour se protéger et se professionnaliser.
Et pour les plateformes comme Djob, la responsabilité est claire : créer un écosystème du travail ponctuel à la fois agile, équitable et humain.
Bibliographie
Statistique Canada. (2024, 4 mars). Le travail de plateforme au Canada : caractéristiques et tendances, 2023. Le Quotidien.
https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/240304/dq240304b-eng.htm
Statistique Canada. (2024). Defining and Measuring the Gig Economy. Analytical Studies: Methods and References (75-004-M).
https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/75-004-m/75-004-m2024001-eng.htm
The Logic. (2024, 15 août). Number of digital gig workers in Canada surged by 44% in 2024.
https://thelogic.co/briefing/number-of-digital-gig-workers-in-canada-surged-by-44-in-2024
Statistique Canada. (2024, 21 juin). Enquête sur la population active – postes vacants et pénurie de main-d’œuvre, 2024. Le Quotidien.
https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/240621/dq240621a-eng.htm
Securian Canada. (2024). Behind the Gig: Understanding the Risks and Realities of Canada’s Platform Workers.
https://www.securiancanada.ca/content/dam/doc/sc/securian-canada-gig-report-100824.pdf
Gouvernement du Canada. (2023). What We Heard: Developing Greater Labour Protections for Gig Workers. Emploi et Développement social Canada.
https://www.canada.ca/en/employment-social-development/corporate/portfolio/labour/programs/labour-standards/reports/gig-workers-what-we-heard.html
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